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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Rhin pour des émeraudes, et quelque peu de verroterie qu’il prit pour les joyaux les plus précieux de l’Inde.

Ce clinquant l’éblouit ; tout ce qui brillait aux yeux l’aveuglait aussitôt. Déjà les raisonnements des Teutons lui paraissaient sans réplique, lorsque heureusement Merlin s’aperçut à temps de ce manége ; il rompit l’entretien, sans égard pour l’étiquette tudesque ; brusquerie qui lui fit autant d’ennemis que son refus. Hagen le Mayençais déguisa sa haine et son fiel germanique sous un sourire douceâtre qui laissa voir les brèches de sa bouche édentée.

Depuis cet instant, l’empereur Max sentit que la terre d’Italie tremblait sous ses pas. Il en perdit le sommeil, ses rares cheveux blanchirent. Partout il voyait, dans les choses les plus secrètes, la main de Merlin. Mais, en le haïssant, il estimait un enchanteur qui avait su résister intrépidement aux caresses plus fortes encore que les menaces. Les principaux de sa suite s’occupaient déjà des moyens de se venger. Quant aux peuples italiens dont Merlin avait défendu le jardin, ils conçurent pour lui, ce jour-là, autant d’amour qu’ils avaient eu de crainte ; même ils ne tardèrent pas à lui prouver leur reconnaissance, comme vous le verrez dans le chapitre suivant.