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LIVRE X.

beau sire, une seule fleur dans votre chemin : il y aura versé un poison. Ne vous asseyez pas sur l’herbe des prairies : il y cachera la couleuvre lombarde. Et, certes, ce ne sera pas trahison, puisque je vous en avertis. Que de combats seront livrés dans ces plaines ! Que de larmes versées pour vous donner une couronne qui tremblera toujours sur votre tête ! Ni paix, ni trêve ; pas une bouche ne s’ouvrira, si ce n’est pour vous maudire.

— Et si Merlin le voulait, tout se changerait en bénédictions !

— Moi, vous bénir, grand Dieu ! ce serait me maudire moi-même. »

À ce moment, il reconnut dans la suite de l’empereur plusieurs des personnages qu’il avait rencontrés dans la vallée du Rhin, entre autres le roi de Thulé ; et, s’adressant à eux :

« Que viennent faire ici les manteaux blancs ? Ce n’est point leur pays. Ils offensent les regards comme un sapin revêtu de frimas dans un jardin d’orangers. »

Puis, descendant jusqu’aux plus intimes détails, il eut la patience de montrer que le prétendu testament de César était un faux, que le globe d’or était de cuivre.

Cela acheva de convaincre les courtisans qu’ils ne pouvaient rien tirer de la complaisance de l’enchanteur, et ils se tournèrent en secret vers Jacques, avec l’espoir de le gagner. Que de cadeaux ne lui firent-ils pas ! Jacques eut l’indiscrétion de les accepter tous, sans remercier. On lui donna, par exemple, des cailloux du