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MERLIN L’ENCHANTEUR.

y aura un Merlin sur la terre, sachez, sire empereur, que celui-là vous refusera l’hommage.

— Rendez-moi ma couronne de fer.

— Elle est à moi ; c’est moi qui l’ai forgée.

— Assurez-moi Vérone.

— Oh ! que nenni, beau sire ! le bon Roméo et Juliette en pleureraient tous deux des larmes trop cuisantes.

— Mais Venise ?

— C’est moi qui ai nourri son lion de mer ; il n’obéit qu’à moi. Je le déchaînerai. »

À ce mot, l’empereur frémit de la tête aux pieds. Tous les seigneurs allemands hésitèrent s’ils supplieraient Merlin ou s’ils le mettraient en pièces. Quelques Italiens mêlés dans le cortége sentirent leur courage renaître.

Merlin ne laissa à personne le temps de l’interrompre. Ses paroles coulaient à flot, comme un torrent de l’Engaddine :

« Oui, sire empereur, il ne manquera pas de faux devins qui, mendiants sous vos pas, prendront le plomb pour l’or. Ceux-là, de leur gosier altéré, acclameront le soleil blafard de Germanie ; ils légitimeront le faux héritage, ils vous appelleront César. Mais, au milieu de leurs rauques acclamations, votre cœur ne jouira pas d’un moment de repos ; car Merlin, tout seul, sera plus puissant que tous les faux enchanteurs, il allumera la haine jusque dans le cœur des femmes, et elles enfanteront la justice. Ne cueillez pas,