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LIVRE X.

Car de la Brenta à l’Arno, du Tessin au Tibre, on avait peine à les reconnaître dans le pays, tant ils avaient passé d’années à l’étranger. Leur visage en était changé, leurs cheveux avaient blanchi. Plusieurs de leurs meilleurs amis étaient morts en leur absence ; ils les cherchaient partout des yeux : nul ne pouvait dire où était leur tombeau.

IV

Merlin prit tant de plaisir dans la compagnie de ces justes, qu’il en oublia le boire et le manger ; il ne voulut pas s’arrêter qu’il n’eût gagné Vérone, où l’attendait le bon Roméo. Un soir d’été, comme l’enchanteur y entrait par la porte de France, il se trouva que l’empereur tudesque, Max, y entrait triomphalement et emphatiquement par la porte d’Allemagne ; l’équipage pompeux de ce Max contrastait avec l’équipage modeste de Merlin. D’un côté, ce n’était que lansquenets aux armes d’or, chevaux piaffants du Mecklembourg, richement enharnachés de housses de velours écarlate traînant jusqu’à terre, rivières de diamant et d’ambre au col des sénéchaux, plumes ondoyantes de coq de bruyère aux chapeaux des Tyroliens ; de l’autre côté, vous n’eussiez vu que simplicité, candeur, à peine une broderie sur un court manteau d’azur.

Pourtant la vraie royauté était avec Merlin ; pouvez-