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MERLIN L’ENCHANTEUR.

songe et vérité. Blasius lui dit un jour, en le congédiant :

« Prends garde à toi, Merlin. Le vrai Dieu te punira par le chaos. Ne fais pas, mon enfant, l’évangile de l’enfer. »

On voit par là combien son éducation était déjà faussée. Et comment l’accuser ? il n’avait de guide que son instinct, outre un peu de blanche magie élémentaire. Il se gonflait d’une vaine science ; le poison ne pouvait tarder à se montrer.

Ivre de tant de connaissances nouvelles, Merlin sentait s’élever en lui des pensées extraordinaires. Son cœur battait avec violence au point qu’il semblait étouffer ; son humeur devenait chagrine ; il tourmentait de ses caprices tous ceux qui l’entouraient.

« C’est le génie qui l’oppresse ! » pensait sa mère.

Rien ne le satisfaisait ni chez lui, ni chez les autres : « Tant mieux, se disait Merlin ; je vois bien que l’enchantement commence. » Et il fouillait de nouveau dans ses vieux livres.

Un jour, son âme maladive était près d’éclater : c’était dans une lande, confinant son enclos. Les étangs laissaient entendre un sanglot par intervalle.

« Le moment est venu d’exercer ma puissance ! s’écriait-il avec enthousiasme ; l’univers se tait, il attend son prophète. »

Et il rassembla dans son esprit tout ce que la science lui avait enseigné.

« Certes, je sens là, dans mon cœur, de quoi faire