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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Qui es-tu, toi, qui le premier oses tenter ce sentier ?

— Je suis Merlin, » s’écria l’enchanteur assez haut pour dominer la tourmente.

L’avalanche passa et roula dans le gouffre. Il ne resta qu’une vapeur humide, avec une explosion qui se perdit en une vainc rumeur dans les abîmes. Turpin, très-courageux, ne fit aucune difficulté d’avouer qu’il avait eu grand’peur. Jacques demanda, sans sourciller, si de pareilles rencontres se répétaient souvent.

« Nous avons franchi le pas difficile, mon fils, dit Merlin ; le reste n’est qu’un jeu. Nous voilà sur les cimes. »

Sans doute, si Merlin eût voulu être transporté à son aise dans les plaines qui s’étendaient alors sous ses yeux, il n’eût eu besoin que de commander. Parmi tant de dragons toujours prêts, les ailes déployées, à l’appel du moindre des devins, il n’eût certes pas manqué de s’en trouver un grand nombre qui eussent répondu à sa voix ; et, assis, lui troisième, sur la croupe bondissante d’un taureau ailé, vous l’eussiez vu planer quelque temps sur le jardin de la Lombardie, puis descendre lentement et majestueusement sous les pins d’une villa où se seraient rencontrés une foule de peuples pour le recevoir, ou, au moins, une dogaresse, le col chargé de perles, ou une fille de podestat, puisque l’une et l’autre de ces dignités étaient déjà connues de l’autre côté des monts.

Je dirai même qu’il eût dû se montrer ainsi dans sa