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LIVRE X.

II

Alpes sublimes aux dents de glace, au col de neige, s’il est vrai que je suis né au pied du dernier et du plus humble de vos degrés (et c’est pour cela, sans doute, que mon cœur prend si aisément l’essor vers tout ce qu’il y a d’inaccessible ici-bas), dites-moi où, comment, de quelle pensée occupé, de quelle espérance enivré, Merlin a traversé vos cimes pour descendre dans le jardin d’Italie.

Car, alors, vous étiez vraiment les vierges voilées depuis le matin de la création. Aucune route n’avait encore déshonoré vos sommets. Il n’y avait ni hospice, ni refuge, ni chiens de Terre-Neuve portant au col le salut des voyageurs errants dans la tourmente.

Éternellement immobiles, les esprits des glaciers furent les seuls témoins du passage de Merlin. Ils firent effort pour s’approcher de lui, quand il suivit la trace des chamois. Mais ils ne purent descendre de leurs cimes, tant ils étaient étroitement liés par des chaînes de cristal et de diamant qui luisaient au soleil. Accroupis sous leurs blancs manteaux, ils essayèrent de les secouer. Le sommeil fut plus puissant que la curiosité.

Seule, l’avalanche, toujours au guet, que le moindre bruit réveille, se précipite du milieu d’eux, en hurlant :