Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.
315
LIVRE IX.

pierre. Les regards des rois et des peuples ne furent assombris qu’un instant.

Avant de se quitter, les convives réconciliés, rangés par nations, se firent des présents, gages sacrés de leurs promesses d’amitié. S’ils y manquaient jamais, le ciel tomberait sur leurs têtes. C’est ainsi qu’ils parlaient.

Perceval donna sa lance à Hildebrand ; il reçut en échange un bel archet d’acier, aiguisé en glaive. Les autres firent de même. Tous reprirent le chemin de leur pays.

Aussitôt les échansons emportèrent les restes du festin. Jacques avait déjà enlevé la part du roi et Turpin les flacons. Averti par Kay, le sénéchal, Merlin s’en courrouça. Il ordonna que tout fût remis à sa place, et voulut que la table restât, jour et nuit, éternellement dressée, au même lieu, sous le ciel de France, chargée de vins et de viandes et d’épices.

« Car, disait-il, m’assurez-vous qu’il ne se trouve pas sur la terre des peuples pèlerins, errants, mendiants ou malades, auxquels manque, à cette heure, le pain de la bouche ? Pour ceux-là, il importe que la table soit toujours mise, afin qu’ils se repaissent à loisir, soit qu’ils viennent du nord, soit qu’ils sortent du midi. La coupe aussi doit rester pleine à portée de la main. »

Cela dit, il confia la table aux Français, et voulut que les meilleurs d’entre eux la gardassent, jour et nuit, de père en fils, l’épée au poing. Presque tous étaient partis. On les rappela au son des grailles. Eux revenus,