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LIVRE IX.

son lion qui rugit à l’approche des viandes, Frollon, de Paris, Ghérent, le fils d’Erbin, Morgan, le médecin, Gourdnei, aux yeux de chat, qui voit dans la nuit noire.

« Reste-t-il une place ? dirent-ils tous d’une voix.

— À votre plaisir, répondit Merlin. Asseyez-vous ici au large. Toi, Jacques, héberge le lion. »

Un peu après vinrent des nations en foule, pâles, exténuées, qui semblaient s’être trompées de chemin.

« Nous cherchons la coupe ! crièrent-elles, en essuyant leurs sueurs et leurs larmes ; on nous a dit qu’elle est dans le Sépulcre.

— Aveugles ! dit Merlin, la voici sur la table.

— Mais la table est remplie ! comment en approcher ! Il n’y a plus de place pour nous.

— Vos siéges sont ici ; peuples, asseyez-vous ! »

Les nations s’assirent, et la table allait toujours grandissant. Les peuples aussi grandissaient ; ils étaient pour la première fois à leur aise, ce qui les étonnait tous, vu que leur multitude augmentait d’heure en heure. Chacun admirait l’hospitalité de Merlin et se jurait tout bas de l’imiter un jour. Franchement, en comparaison de la sienne, qu’avait été jusque-là l’hospitalité des rois et des peuples ? Une vraie gueuserie. Souvent ils avaient marchandé l’air à leurs hôtes et surtout la lumière.

Vint aussi un homme errant, désespéré, et il marchait seul. Toutes les nations, à mesure qu’il avançait, le montraient du doigt, et s’éloignaient de lui.