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MERLIN L’ENCHANTEUR.

le tour de la table, si bien que tous s’en trouvèrent désaltérés et satisfaits.

Des mains des héros, Merlin la reprit ; il la passa aux peuples et même aux plus petits :

« Comment la trouvez-vous ? peuples indigents !

— À notre gré, seigneur !

— Ne vous enivrez pas. » Et la sainte amitié entrait ainsi dans le cœur des plus farouches. Déjà Perceval essuyait sa lance qui jusqu’à ce jour était restée saignante du sang du Calvaire.

« Comment avons-nous pu nous entre-déchirer ? demandait Siegfried.

— Je m’en repens, disait Arthus à son neveu Mogred.

— Accordons-nous, disait la foule.

— C’est fait, » murmurait Jacques entre ses dents, pendant qu’il apportait les épices.

Tous étaient émerveillés de se rencontrer à table. Venus de si loin, l’avaient-ils jamais espéré ? Non, sans doute. Et pourtant que d’aventures leur seraient restées inexplicables, sans ce dénoûment ! Chacun racontait les siennes, modestement, hâtivement, impatient d’entendre celles d’autrui. Arthus parlait de la forêt de Brocéliande, Hagen, du manoir de Drachenfeld, Antar, du désert d’Afrique, Rustem, du ciel de Perse, parsemé de rubis, Perceforest, de la crau de Bresse, Hali-Hassan, des tours sarrasines ; tous s’entendaient à demi-mot, parlant en vieux français. Chrétiens et Sarrasins mangeaient au même plat.

À ce moment, arrivèrent Golfin de Tours, suivi de