Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
MERLIN L’ENCHANTEUR.

front se plisser, il était là pour empêcher les querelles de naître.

Cependant Arthus restait pensif, comme si la table eût été vide ; il semblait encore à jeun.

« Merlin, s’écria-t-il, j’ai soif ; ton vin ne désaltère pas. Merlin, m’entends-tu, j’ai faim ; tes viandes ne me contentent pas. »

Fronçant le sourcil, les douze Pairs ajoutaient :

« Le roi l’a dit. Votre vin n’est pas des meilleurs. Plus nous en buvons, plus nous avons soif. »

Les peuples eussent voulu dire la même chose, et, ne l’osant, ils se prenaient à soupirer.

Alors Merlin, en souriant :

« Français, n’en gardez pas rancune. Voyez, barons. Voilà qui vous contentera mieux. Buvez-en tout à votre plaisir, la soif vous passera. »

À ce moment, il fit signe à Turpin. Celui-ci, sortant du cellier, apporta de ses deux mains une coupe profonde, gemmée, écumante, si bien que tous les yeux furent éblouis. On ne savait ce qui brillait le plus, ou l’escarboucle incrustée sur les bords, ou la liqueur vermeille.

« Le Graal ! la coupe du Seigneur ! crièrent-ils tous à la fois ; qui a trouvé la coupe ? »

Et ils étaient d’avance enivrés de joie.

Arthus dit : « Français, j’ai chevauché au nord, à travers les forêts ténébreuses, mais en vain ! je n’ai pu la découvrir. »

Et Perceval le Gallois : « Roi, j’ai visité la mer de Sy-