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LIVRE IX.

Quand chaque roi eut pris place, quand tous les barons furent assis, maints peuples arrivèrent. Merlin, les prenant par la main, les mena doucement vers leurs fauteuils de granit couverts de tapis.

« Asseyez-vous, dit-il, ô peuples ! »

Les peuples s’assirent, et c’était la première fois que cela leur fut arrivé devant les rois et les barons. Mais ils n’osaient pourtant manger devant le roi, quelque faim qui les pressât.

« Mangez, leur dit Merlin. Arthus vous l’octroie.

— C’est vérité, » dit Arthus.

Sur cela, ils commencèrent à se repaître sans lever les yeux.

À travers la prairie le chien de Merlin jouait avec les deux chiens d’Odin, et leur cédait les os. Autour de la table se tenait debout un peuple de chanteurs ; il y avait parmi eux des troubadours et des minnesaengers ; il y avait aussi des chanteurs d’Arabie, qui entremêlaient la prose aux vers. Même Robin Hood sifflait sa chanson, caché dans un groupe.

Les chanteurs de France vantaient les héros d’Allemagne et de Jutland, le pays des brumes, Odin, Baldur le Fort, les dieux Teutons nés de la terre ; les Minnesaengers vantaient le ciel de Provence, la mer de Bretagne, France l’honorée, Rome la sainte.

Ainsi, célébrant les héros les uns des autres, tous les cœurs étaient contents. D’ailleurs Merlin, se promenant autour de la table, nourrissait partout la paix, la concorde, principalement la bonne humeur. Voyait-il un