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MERLIN L’ENCHANTEUR.

sa gauche ; un peu plus loin, Antar des trois Arabies. À chaque Teuton sourcilleux il donna pour compagnon de table un bon Franc-Gaulois ; à Gontran de Worms, Lancelot du Lac ; au vieux prophète Gripir, Giron le comtois ; au farouche Hagen, toujours ivre de carnage, Tristan le Léonais, toujours à jeun ; à Hildebrand le Tueur, Gauthier d’Aquitaine, qui revenait d’outre-Rhin.

Brunhild était à côté d’Yseult aux blanches mains, Chriemhild la blonde à côté de Genièvre aux cheveux noirs de jais, Gudrun l’homicide à côté de Sanche la gracieuse, Hildegonde entre Blanchefleur et Énide à la robe d’azur.

Où était Viviane ? Elle eût fait des guirlandes de bluets et de lierre pour couronner les convives. Les filles du pays durent la remplacer. Même les Valkyries et les Houris, mêlées aux Ondines, apportaient des chairs rôties accompagnées de fruits confits, et présentaient à tous les pommes dorées du verger de Merlin. Les Valkyries versaient l’hydromel dans des cornes d’aurochs ; les Ondines, le vin de France dans des cruches d’or et tachaient de vermeil le bleu des lapis. Kay le sénéchal en fit avec elles maintes risées.

Et partout ruisselaient les fleurs avec les pierreries et les escarboucles ; les noces de Cana du bon maître de Vérone en sont éclipsées. Mais Viviane, où est-elle ? Nul ne l’a rencontrée des rois ni des reines, ni des barons, ni des pauvres gens ; c’est par là seulement que faillit la journée.