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MERLIN L’ENCHANTEUR.

V

Écoutez, bonnes gens ! Quand Merlin se trouva entre Gascogne et Bretagne, entre Ardennes et Brocéliande, au milieu de France la louée, il eût voulu se surpasser lui-même. Après avoir passé Gironde au port Saint-Florentin, visité Saintonge, Touraine et Berry et Bourgogne, erré dans la Beauce, le pays des Lorrains, des Francs-Comtois ; hanté la Champagne pouilleuse, la mauvaise Bresse, d’autres pays encore ; quand il eut vu tant de nations affamées, amaigries, qui se tenaient en grelottant sur le bord du chemin, une grande pitié le prit au cœur. Il fit vœu de les rassasier toutes à la fois et pour l’éternité. La promesse qu’il avait faite aux peuples le soir de la bataille lui revint en mémoire. Écoutez comment il tint sa parole.

Aidé de Jacques et de Turpin, voyez-le dresser au cœur de la France, entre blés et ramées, une table ronde. Pour qu’elle dure toujours, il la faut de pierre ; mais il la faudra ronde, pour que tous les affamés, soit de corps, soit d’esprit, s’y trouvent mieux à l’aise.

Les pieds furent de granit ; il y en avait plus de mille, tirés des carrières de Bretagne. Où manquait la grosse pierre se trouvaient des cailloux roulés. Où les cail-