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MERLIN L’ENCHANTEUR.

si je ne me trompe, voilà que le moment approche de pleurer.

« Voyons cet autre parchemin ; on dirait que les fées l’ont écrit de pur or. Ah ! je le crois bien ! Je reconnais l’écriture du plus savant des enchanteurs. À genoux, Turpin et Jacques ! Vous voyez ici le livre magique du grand enchanteur Aristote ; c’est lui qui nous apprend à connaître le secret des pierres et des métaux ; quiconque possède son livre tient le monde dans sa main. »

Jacques et Turpin étaient tombés à genoux. En courant d’un parchemin à l’autre, Merlin se mit à lire à haute voix les feuilles à mesure qu’elles tombaient sous ses yeux. Il enflait, il grossissait sa voix, qui tantôt était mélodieuse comme celle des rossignols dans les bois de Colonne et tantôt grondait comme le tonnerre sur le mont Olympe.

C’était la première fois, depuis de longs siècles, que les paroles des anciens enchanteurs retentissaient sur la terre. On eût dit qu’elle reconnaissait l’empire de ses maîtres passés : tous les vents firent silence, l’air se remplit d’une odeur de violettes et de safran comme dans un temple d’Éleusis. À cette évocation ne se joignait aucune épouvante ; au contraire, une sérénité inconnue brillait en toutes choses.

Jacques aurait souhaité que Merlin lui eût expliqué quelques-unes des paroles cadencées qu’il lisait. Merlin alla au-devant de sa pensée :

« Ton heure n’est pas venue, ô Jacques ! Il faut que