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MERLIN L’ENCHANTEUR.

d’être Romain. Le même homme m’apprit en outre que ce n’était là qu’une horrible ironie, et que monter au rang de nos anciens maîtres, c’était tomber dans la plus vile poussière.

« Après tout, je me serais accommodé de mon sort s’il eût été stable. D’autres bandes arrivèrent, et non-seulement mon nouveau maître m’enleva le tiers qui me restait, mais, comme j’eus le malheur de lui paraître un garçon de capacité, il m’enleva moi-même ; de lieux en lieux il me transporta au loin, de l’autre côté du Rhin, en pleine barbarie.

« Imaginez ce que j’eus à souffrir dans cet éloignement ; non pas que ces barbares fussent des gens sans ressource. Quand ils avaient pillé ou tué la plus grande partie de la journée, le soir ils aimaient à rire, à jouer aux dés, à entendre des contes. Les repas étaient interminables. J’y avais ma place. Quant à mon maître, figurez-vous un homme grand, blond, qui n’avait qu’une tresse sur le haut de la tête et portait ordinairement des cornes de buffle ; avec cela, grand amateur de petits vers latins et de subtilités. Il voulut même que je lui apprisse un peu de théologie, à quoi je ne réussis que trop.

« Il m’enseigna en revanche à manier la francisque et la hache.

« Je connus là plusieurs des principaux barbares dont vous avez si étrangement défiguré les noms et les coutumes. C’est là que je vis Etzel, que vous appelez ici, je ne sais pourquoi, Attila, et qui était alors un vieillard