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LIVRE IX.

pare en ces lieux. Le hasard seul ne nous a point conduits ici. Que pensez-vous que je doive faire dans cette vallée ? »

Turpin, ayant observé ce qui l’entourait, répondit sans hésiter :

« Ce lieu est fait de toute éternité pour y bâtir mon abbaye. Prenons-en possession. La source est faite pour servir de vivier ; ici, le long des rochers, les pas des moines pourront creuser un menu sentier pour s’y promener à toute heure, outre que le soleil ne doit pas être importun dans ces lieux bas. »

Jacques décida au contraire que la place était faite pour y fonder une commune de Jacques. Les montagnes serviraient de murs à créneaux. Le torrent fournirait de truites les habitants. Il se faisait fort d’y tenir au besoin, pourvu qu’il fût suffisamment fourni de farine, contre toute la noblesse du pays.

Pendant qu’ils parlaient, Merlin se débarrassait de son bâton de voyage, lequel, ayant trouvé un peu de terre végétale, s’enracina et devint plus tard le laurier qu’on y montre encore. Il se mit de plus à tailler avec le tranchant de son épée les bords de la source, sans faire davantage attention aux propos de ses compagnons.

« Bien ! dit Turpin. Encore un coup de ciseau, Merlin ! et la source au pied de la montagne, ressemblera à un bénitier au bas du pilier d’une cathédrale. »

Merlin donna le coup de ciseau. L’immense bénitier apparut tel qu’on le voit aujourd’hui.