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LIVRE VIII.

indifférent des jeunes filles, car c’est là toute une science.

— Voilà donc pourquoi, malgré votre puissance, on vous accuse d’être si légers ?

— On a tort ! s’écria Merlin. Léger ! plût à Dieu que je le fusse ! »

Et il lui raconte son histoire, qu’il termine par ces mots : « Cher Faust, vous ne voyez plus que l’ombre de Merlin. Je ne suis plus que la moitié de moi-même. »

Faust en conclut que, pour égaler Merlin, il ne lui manquait que d’être amoureux.

« Je le serai, lui dit-il, je veux l’être. »

Merlin répondit qu’il donnerait tout ce qui lui restait de son empire d’enchanteur pour un sourire de Viviane. Sur quoi les deux amis, ayant échangé leurs anneaux, allèrent se livrer à un sommeil doublement nécessaire après une journée si remplie.

Le jour qui suivit, au moment du départ, Faust remit son dernier livre de magie à son hôte ; il l’accompagne, par l’escalier en colimaçon de la tour maîtresse, jusqu’à la porte à ogive ; là, tout à coup il s’arrête sur le dernier degré ; sa figure s’éclaire d’une lumière livide, comme il arrive à ceux qui laissent échapper, malgré eux, un secret trop longtemps retenu.

« Avouez-moi, Merlin, que vous n’existez pas, lui dit-il en l’embrassant pour lui faire ses adieux. Avouez que vous n’avez aucune réalité, que nous n’êtes tout au plus qu’une idée très-abstraite. »

Merlin, stupéfait, se contint d’abord et répondit :