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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« Ce qui m’a le plus étonné, Merlin, dans ce que je viens de voir, c’est que vous ayez pu dompter l’orgueil des hommes. À ce signe, je reconnais votre supériorité. Une autre chose me confond. Dans nos pays, les enchanteurs n’ont de puissance que sur les hommes de notre race, de notre langue. Hors de ce cercle, ils n’ont pas de crédit. Je vois qu’il n’en est point ainsi parmi vous. Vos enchanteurs ont, à ce qu’il paraît, le même empire sur les étrangers que sur leurs compatriotes. J’ai vu l’humeur de nos Teutons apprivoisée par votre doux parler. Expliquez-moi cette partie de votre art et donnez moi votre secret.

— Je le veux bien, dit Merlin en jetant un coup d’œil autour de lui sur le laboratoire de l’enchanteur tudesque. Mais, avant tout, Faust, je crains que vous ne lisiez trop.

— Comment trop ? dit Faust.

— Oui, repartit Merlin. Des parchemins, des alambics, des creusets, des cornues, des crânes de mort, des peaux de hibou, quel triste séjour est ceci ? Pourquoi vous ensevelir vivant dans cette poussière ? Je n’y saurais vivre un seul jour. Pour moi, je vis dans les bocages, au milieu des fleurs printanières et des abeilles.

— Quoi ! si savant, et vous n’êtes pas toute la journée dans votre laboratoire comme nous autres, consciencieux enchanteurs du Nord ?

— Nullement. Je lis mes meilleurs secrets sur les ailes des oiseaux, des papillons diaprés, et, s’il faut l’avouer, dans le regard sombre ou gai, ou caressant ou