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LIVRE VIII.

combat d’idées ; et, comme vous le savez, rien n’est plus rare que d’en rencontrer de semblables. Les hommes, je l’avoue, ont fini par se jeter dans la mêlée ; mais remarquez bien que ce sont les esprits qui ont commencé la lutte. Oui, vraiment, c’est une bataille homérique, telle que vous n’en trouvez plus même dans les poëmes. Voyez ici, sur cette butte, Thor qui frappe à coups redoublés de son marteau sur le haubert d’Arthus. L’archet d’acier d’Hildebrand vibre là, dans une mélodie sauvage, au milieu de vos paladins. De ce côté, à l’aile gauche, la lance enchantée de vos larmoyeurs a fait merveille contre la peau de buffle de Siegfried. Au loin, sur les deux bords du fleuve, la plèbe des hommes de fer, sans nom, sans gloire, laisse sa dépouille flétrie, comme le serpent sa peau en automne. »

Merlin interrompit Faust avec émotion :

« Faust, ce spectacle dure depuis trop longtemps. C’est pour nous qu’ils combattent. Le moment est venu de nous en mêler.

— Gardez-vous-en bien, ô Merlin, repartit Faust. À ne vous rien cacher, il m’est impossible de dire auquel de ces deux peuples je m’intéresse. Quel est celui qui porte avec lui le plus d’idées ? Voilà la question. C’est tout ce qu’il s’agit de savoir. Ne troublons donc pas les événements. Laissons les choses se développer avec la mâle impartialité du destin. Il en sortira toujours quelque vérité avantageuse, dont nous pourrons faire profiter notre art. »

À cet instant même, la vallée retentissait de cris