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MERLIN L’ENCHANTEUR.

un dernier effort en lui tendant une foule d’embûches.

Ils lui disaient à l’oreille : « Est-ce donc le temps de nous quitter, quand personne ne nous donne même un gâteau de miel ? Merlin ! vois le bélier qui passe sur ton chemin ! il porte encore au front les cornes de Jupiter Ammon. »

Merlin était de nouveau fortement ébranlé ; il se disait tout bas à lui-même : « Puisque le bélier porte encore ses cornes à l’exemple de Jupiter, comment douter que Jupiter ne conduise le troupeau des mondes ? »

À ce raisonnement s’ajoutait dans Merlin sa générosité naturelle. Il se serait volontiers perdu pour des dieux si modestes.

En voilà assez pour comprendre combien il était malheureux, partagé entre ces deux puissances ; il ne trouvait plus aucune paix. Dans un temps où la terre était remplie de calamités, il n’y avait, j’ose l’affirmer, personne qui souffrit plus que Merlin. Ainsi se passa dans les larmes sa première adolescence.

VII

Comme sa mélancolie croissait et que rien ne pouvait l’en guérir (il avait des suffocations, des palpitations de cœur qui lui ôtaient le sommeil), sa mère imagina de l’envoyer achever son éducation chez l’homme le plus sage de cette époque. Il s’appelait Taliesin.