Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.
266
MERLIN L’ENCHANTEUR.

V

À mesure qu’ils approchaient des plaines herbues de la Teutonie, par delà Aix-la-Chapelle, Merlin donna d’amples instructions à Jacques ; il les termina ainsi :

« Nous allons entrer, ô mon fils, chez des peuples tout nouveaux pour toi et dont tu n’as aucune idée. Jusqu’ici nous avons vécu chez des nations de notre famille. Désormais tu verras d’autres visages et d’autres mœurs. C’est maintenant qu’il faut user de sagesse et de circonspection. Les peuples que nous allons visiter sont très-honnêtes ; ils ont même, quand on sait les prendre, une grande bonté de cœur. Mais encore faut-il savoir leur parler. Je les connais pour les avoir visités en d’autres temps. Je les suppose ombrageux, ainsi qu’il sied à des êtres qui ont vécu longtemps dans l’obscurité des bois sacrés. Je les crois aussi d’humeur rancuneuse, d’ailleurs peu amis du rire. Garde-toi donc de railler avec eux : ils s’imagineraient que tu veux les injurier, leur mansuétude naturelle se changerait en venin. »

En parlant ainsi, ils se trouvèrent au bord du Rhin aux flots verdâtres, le père des eaux. Ayant hélé une barque qui remontait le fleuve, ils y entrèrent aussitôt. À travers la brume, Merlin faisait remarquer à Jacques le nombre prodigieux de châteaux forts assis sur les