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LIVRE VIII.

complaintes enfantines comme leur roi Lear, privé de son royaume.

« Voilà mes vœux pour eux, voilà ma merci pour leur pitié, pour leur humanité !

« Je vous le dis, rouges Saxons : pourquoi avez-vous provoqué le lion rugissant de la justice ? Si les justes ne sont pas puissants aujourd’hui, ils le seront demain. Leur règne durera toujours.

« Pourquoi arrachez-vous aux hommes le cœur pour en faire un butin ? Le cœur est immortel ; il criera contre vous.

« Croyez-vous que la rive escarpée vous défendra éternellement ? Le rocher de Cambrie s’use comme la corne du bœuf ; le vautour égrènera de son bec la cime du rocher.

« La patience des gens de bien est longue ; elle attend, elle ajourne. À la fin, elle est comble. Ce jour-là, croyez-vous qu’un dieu en colère ne saura pas franchir l’Océan à pieds secs ? Où fuirez-vous ce jour-là ?

« Où est l’île inconnue qui ne nourrisse contre vous un vengeur ? Où est l’écueil, où est la grève qui ne se soulève contre vous ?

« Dites un peuple que vous n’ayez fraudé. S’il en est un, nommez-le. Votre masque est tombé ; il est tombé dans l’abîme.

« Tous vous voient, tous vous connaissent, tous vous maudissent.

« Quelle est la race, quel est le peuple, quel est le