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LIVRE VIII.

recourbés ; aussitôt les Bretons, tristes fils des orages, furent dépouillés de leurs champs, de leurs cabanes moussues, de leurs vergers aux pommes d’or, plantés par l’enchanteur. La terre d’Arthus trembla sous des flots de fer. Les Anglais se joignirent aux hommes de proie, si bien que toute âme dut se taire. On ne voyait plus que bardes errants, les mains vides, sans espoir, demandant un abri aux tombeaux ; toute sagesse eût péri d’un seul coup, si Merlin n’eût fait un vaisseau de cristal, plus transparent que l’azur, où il fit monter avec lui les meilleurs.

« Adieu, dit-il à Robin-Hood ; je ne saurais vivre ici un jour de plus. Quittez, mon ami, cette vie de braconnier, c’est moi qui vous en prie. Surtout ne trafiquez plus de l’espèce humaine, si vous désirez me revoir un jour. »

Personne ne l’accompagna au rivage. Personne ne le salua de la main, quand il partit de Southampton. Abreuvé d’amertume, méprisant les orgueilleux, obligé de se repentir de ses bienfaits comme d’une duperie, il se retourna au moment de monter sur son petit vaisseau ; et c’est alors qu’il prononça ce qu’on appelle encore aujourd’hui :

LA MALÉDICTION DU BARDE.

« Quoique Jean l’Anglais[III.] soit un méchant traître, pire que la pluie et les vents, il ne domptera pas mon cœur, tant que sera debout le rocher de Maël.

« Quand les mauvais jours sont venus, je me suis