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MERLIN L’ENCHANTEUR.

De ces larmes mystérieuses sont sorties, depuis ce temps, les noires vapeurs qui assiégent le cœur des hommes de ce pays-là. Souvent il leur arrive de se lasser de vivre ; et, quand ils mettent fin à leurs jours, ils ne se doutent pas qu’ils consomment le suicide rêvé par Merlin. Qu’ils descendent au fond de leur cœur ! ils y trouveront l’héritage douloureux du prophète, à ce moment de sa vie. Mais où sont, hélas ! son ingénuité, sa simplicité, son innocence, sa douceur, sa candeur ?

Tout cela a été altéré par le temps. Ce qui était chez lui le cri déchirant de l’amour inassouvi, la soif de la justice, est devenue trop souvent chez eux le mal de l’ennui, la satiété. La tête dans ses deux mains, Merlin sanglotait. C’était la première explosion de sa douleur. Jeune, dans un monde étranger, rien ne l’obligeait à se contenir. Ses yeux aveuglés par les larmes distinguaient à peine les objets autour de lui.

Voilà pourquoi on entend aujourd’hui tant de sanglots dans les rochers battus par la mer de Bretagne et pourquoi une couronne de noirs soucis pèse éternellement sur le front des trois îles et leur voile le soleil.

II

Pour mettre le comble à la désolation de Merlin, arrivèrent les rouges Saxons sur leurs noirs vaisseaux