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MERLIN L’ENCHANTEUR.

tout cela noblement, simplement, sans que personne l’en priât.

Quand les habitants de Cambrie se virent si aisément comblés, ils en conçurent un fol orgueil, mêlé surtout de dureté et d’injustice pour le reste du monde ; car ils s’attribuaient tout à eux-mêmes. Loin de ressentir la moindre reconnaissance pour Merlin, à peine le regardèrent-ils d’un air altier, où l’infatuation n’était que trop visiblement peinte.

S’ils le voyaient sur la place publique, à Hyde-Park, dans un square, il est vrai qu’ils lui serraient la main. Mais ils ne le recevaient point chez eux, dans leurs maisons, dans leurs cottages, encore moins dans leurs châteaux. Même, ils rabaissaient ses œuvres. Forger la couronne verdâtre de l’Océan ! belle affaire, en vérité. Pouvait-il donc faire moins pour le pays des lords ? Et puis, était-il gentilhomme ?

Ces propos, d’autres encore, murmurés en sifflant, ne manquaient pas d’être rapportés par Robin-Hood à Merlin, qui en ressentit d’abord beaucoup de surprise, puis autant de pitié. Mais cette pitié se changea en indignation lorsqu’il fit en se promenant sur la grève la découverte que voici :

Sur la plus haute falaise, dans un lieu fort apparent, les habitants avaient établi un grand encan, et ils le laissaient ouvert jour et nuit. Ils avaient un crieur dont la voix se faisait entendre des trois îles, et autour de ce brelan il y avait une Bible entrouverte. Sitôt que la vigie signalait au loin en pleine mer quelque peuple