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LIVRE VIII.

ques-unes plaisent encore aujourd’hui, par exemple la plus charmante de toutes :

« Connaissez-vous le braconnier ? »

Ce que Merlin admirait sans réserve, c’étaient les yeux épanouis des femmes de cette contrée. Il les comparait à des primevères écloses sous la neige. Pour les hommes, il les crut longtemps les meilleures gens du monde, sur leur bonne mine fleurie. Par malheur, il finit par se convaincre qu’ils avaient, en grand nombre, une âme de pirate.

Prodigue d’enchantements, il les répandait alors sans compter. (L’âge, la réflexion, je pense aussi l’ingratitude humaine, devaient le rendre plus circonspect.)

Albion profita de son inexpérience. À la seule demande de quelques lords qui sortirent de leurs bourgs pourris et vinrent à sa rencontre, que ne fit-il pas en peu de jours ? Apprivoiser les dragons de Kylburn, planter la rose rouge dans les jardins d’York, la rose blanche dans les bosquets de Lancastre, forger de sa propre main la couronne de l’Océan, semer d’émeraudes la verte Érin, mettre un frein ciselé aux chevaux de mer, bâtir la tour de la Cité avec force corridors sombres, réduits cachés, voûtes, portes cadenassées pour servir d’hôtelleries aux rois découronnés et même à leurs fantômes, préparer la place à table pour le spectre de Banco ; quoi encore ? Mille autres choses. Et