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MERLIN L’ENCHANTEUR.

La première contrée visitée par Merlin fut la Grande-Bretagne. On la nommait encore Albion. Au débarquer, il fut reçu à Douvres, près du rivage, par les trois sorcières des trois îles, l’œil en feu, les cheveux ruisselants sur les épaules. Elles lui firent les honneurs du château, qui, dès ce temps-là, était réduit à un pan de tour croulée. On visita les ruines :

« Malheur ! malheur ! s’écria le prophète, je respire ici l’homicide. Macbeth sera roi ! les trois îles l’acclameront !

— Nous le savions, » dirent les devineresses qui l’ignoraient absolument, et elles se turent. Mais, en sortant de là, elles allèrent se poster dans les bruyères et firent retentir dans les trois îles le fameux cri : « Macbeth, tu seras roi ! » qui résonne encore.

Elles eurent ainsi tout l’honneur de la prophétie ; elles l’ont conservé. Merlin sourit de cette fraude. Il savait depuis longtemps que les prophètes se volent réciproquement leurs prophéties.

Sans rechercher davantage cette compagnie, il pénétra dans l’intérieur du pays. Le seul être communicatif, liant à son gré, se trouva être le fameux Robin-Hood, grand braconnier de ce temps-là, grand amateur de carrefours, toujours chassant, toujours chantant, un peu voleur, un peu écumeur de mer, auquel il apprit à découvrir les sources, tondre les moutons écossais, engraisser les troupeaux, perforer les mines, allumer la houille, ouvrager les métaux, et qui le paya en retour de plusieurs ballades dont quel-