Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
LIVRE VII.

celés, si bien qu’ils ne distinguaient plus leur main droite de leur main gauche. »

À ces mots, Merlin donna à Jacques le livre de ses prophéties.

« Tiens, dit-il, rien de semblable ne peut t’arriver avec celui-ci. »

Jacques Bonhomme reçut le livre, le baisa et ajouta :

« Seigneur Merlin, comment cela finira-t-il ?

— Bien, répondit Merlin.

— Je commence à le croire.

— N’en doute point, » reprit Merlin.

Et ils continuèrent de s’exalter à l’envi. Emporté de plus en plus par le génie de la divination, l’enchanteur ne s’inquiétait plus en rien de savoir s’il était compris par Jacques. Jacques ne se donnait plus aucune peine pour comprendre Merlin. D’extase en extase, tous deux se trouvèrent aux deux extrémités opposées du monde intellectuel. Ils se répondaient sans se soucier de s’entendre. Mais, qu’importe ? leurs langues étaient disparates, leurs cœurs se comprenaient parfaitement.

« La poussière des ancêtres sera renouvelée, s’écriait Merlin.

— Jarni Dieu ! répondait Jacques, ce sera une belle fête.

— Les ruisseaux de lait couleront sur la terre !

— Adieu, mes chèvres et mes vaches !

— Les montagnes de la Gaule distilleront le miel de la Grèce.