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MERLIN L’ENCHANTEUR.

criant : « Vive la messe ! » Comme te voilà changé ! À qui en veux-tu avec ta pique ? Arrête-toi. Grand Dieu ! Est-ce bien toi qui assassines cet honnête homme, au coin d’une rue, la nuit de la Saint-Barthélemy ? Voile ta face, Jacques Bonhomme, et pleure !

— Pourquoi me voilerais-je, monsieur ? Assurément ce n’est pas moi, ni aucun des Jacques. Ma famille est connue. Ah ! si j’avais fait quelque chose de semblable, je ne voudrais plus lever les yeux de terre. À la guerre, quand le clairon a sonné et averti l’ennemi, je ne dis pas. À la bonne heure ! Mais la nuit, dans une ruelle, fi donc ! Ce n’est pas moi, je vous le jure. Regardez mieux. »

L’enchanteur reprit :

« Comme te voilà changé ! Ce n’est plus Jacques Bonhomme ; c’est monsieur Jacques. Ce n’est plus le serf, pieds nus, en chemise. Quoi donc ! des dentelles ! une perruque qui descend jusqu’aux hanches ! un air fier et dédaigneux ! Où avez-vous fait cette fortune, monsieur Jacques ? Pourquoi regardez-vous de si haut le monde à vos pieds ? Ne reconnaissez-vous plus vos pères ?

— Encore une fois, monsieur, ce n’est pas moi. Quelqu’un se sera déguisé à ma place. Moi, méconnaître mes parents ! Je ne suis pas fier, on le sait. Ce n’est pas mon défaut.

— En effet, Jacques, te revoilà petit, humble. Tu rampes, Jacques Bonhomme ; à cela je te reconnais. C’est bien toi ! Le maître a sifflé, le chien basset arrive,