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LIVRE VII.

galants, Dieu sait ! Si elle me disait d’entrer dans le feu, j’y entrerais, bien sûr de ne pas me roussir un cheveu. »

Sans l’écouter, Merlin gardait le silence. À ses derniers mots, les pins et les chênes de la forêt avaient résonné en se penchant l’un vers l’autre, comme si la terre de France lui eût répondu. Merlin sent qu’il n’a pas perdu à la fois toutes les puissances de l’enchantement. Il retrouve dans son cœur un peu d’espoir :

« Voici une chose extraordinaire et qui ne s’est jamais passée dans ma vie d’enchanteur. À cette ligne, mon pauvre Jacques, je te perds des yeux. Tu te fais si petit, si pauvret, que tu disparais. Tout à l’heure je ne voyais que toi. Tu remplissais les villes et les royaumes de tes rumeurs ; tu ressemblais à la mer soulevée par la tempête ; maintenant deux ou trois hommes seulement disposent de la terre, et toi tu as disparu. Te voilà plus faible, plus misérable, plus rampant que le scarabée qui cherche sa pâture dans la fange. Enfin, je ne te vois plus du tout. Quelle étrange destinée est la tienne !

— Sans doute, monsieur, qu’à ce moment je me suis endormi sous la paille, ou dans le creux d’un sillon, ou sous la table, quoique cela m’arrive rarement. Mais ne craignez rien, je me réveillerai ; cherchez-moi seulement un peu, par exemple, là où je remue le petit doigt. Vous me retrouverez.

— En effet, dit l’enchanteur après un long examen, je te retrouve ; tu te réveilles. Mais, ô horreur, mon ami ! tu as le poignard à la main. Qui poursuis-tu en