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MERLIN L’ENCHANTEUR.

je de plus quand nous reçûmes ici sous cet arbre les clefs de la ville sur un plat de vermeil ? Continuons, je vous prie.

— Écoute, Jacques. En cet endroit je te vois un grand fils ; il attellera au même joug des lois le riche et le pauvre. Attends, je lis ici son nom. Tu l’appelleras Marcel.

— Oui, seigneur ; mais vous en serez le parrain.

— Volontiers, » dit l’enchanteur ; et après un moment de silence :

« Que vois-je sur le plat de cette main ? une plaine, oui, un village, un bois chenu, et, sous l’arbre des fées, une bergère. La voilà qui prend la bannière et la cuirasse. C’est elle qui conduira ton armée, Jacques Bonhomme ; tu n’auras qu’à la suivre dans le droit chemin. La vois-tu sur ce pont, bardée de fer, empanachée de blanc, sur son palefroi ? Où va-t-elle ? La main qui a conduit les troupeaux conduit maintenant les hommes de guerre. Tous fléchissent le genou devant elle. La vois-tu ? »

Ici Jacques Bonhomme ne put s’empêcher d’éclater ; comme il était interrogé, il crut que c’était le moment de répondre, il s’écria :

« Une bergère, seigneur, dites-vous ! une bergère ! Oui, je la vois, dans mon idée. Gageons que c’est une de mes sœurs, Jeanne ou Jacqueline. Laquelle ? Je crois plutôt que c’est Jeanne. Oh ! c’est qu’un homme ne la vaut pas pour plier deux bœufs au joug. Avec cela, courageuse, douce, obéissante, méprisante pour les