Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
LIVRE VII.

« Ne te décourage pas, ô mon fils ! voici des signes meilleurs.

— Lesquels ? » dit le rustre ébahi.

Merlin continua, dans une sorte d’exaltation qui alla en croissant jusqu’à la fin :

« D’abord des pestes, des sueurs de sang, des larmes, du fer, des geôles, des oubliettes, de sombres manoirs pour le maître, un peu de paille et la douleur pour toi.

— Que cela est long ! seigneur Merlin. Cela ne finira-t-il pas ?

— Oui, cela finira. Tes armées couvriront la terre ; elles porteront avec elles la justice, elles sèmeront la gloire.

— Mes armées ! monsieur ; y pensez-vous ? Et où sont-elles mes armées ? Je n’ai qu’un troupeau de cinq chèvres et deux vaches.

— Les îles, te dis-je, te seront soumises, et les continents rugiront sous tes pieds.

— Après tout, pourquoi, moi aussi, ne serais-je pas un chef d’archers ? Pourquoi ne porterais-je pas la cuirasse comme les autres ? Oui, je la porterai, foi d’honnête homme ; nous ne souffrirons pas que le plus fort batte le plus faible ; vous pouvez vous y fier Montjoie et Saint-Denis ! Je n’attends que la bataille. La poussière m’enveloppe déjà et m’aveugle. Un conseil, monsieur l’enchanteur ! Supposons un moment ce gros chêne : voilà l’ennemi ! Mes troupes, à moi, c’est mon bâton ferré. Maintenant, que ferai-je ? Où me placerai-je pour