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LIVRE VII.

qu’il ne remontera plus ! Ah ! pourquoi n’est-il pas revenu en arrière ? Pourquoi ne s’est-il pas roulé sous les pas de Viviane ? Pourquoi, du moins, n’a-t-il pas tourné une seule fois la tête vers la fenêtre entr’ouverte ? Leurs voix auraient pu se répondre, leurs regards se rencontrer. Bientôt, dans quelques instants, ils seront perdus l’un pour l’autre.

Le sage Merlin est-il donc devenu insensé ? Il s’éloigne à grands pas. Tant qu’il pense être vu, je ne sais quelle colère aveugle le soutient. Sans doute quelque démon intérieur vient de se glisser en lui. Sans voir, sans entendre, une force infernale l’aide à se détruire lui-même. Mais sitôt qu’il a passé un certain bouquet d’arbres et qu’il est certain de ne pouvoir être observé, toute cette force factice l’abandonne sur-le-champ. Son corps s’affaisse et tremble. Une sueur mortelle inonde son visage ; encore un pas, il se laisse choir au bord du chemin, les yeux fixes, la tête penchée sur sa poitrine.

Personne n’entendit ses sanglots, ils restèrent enfermés dans son sein.

Ô vous qui passez, regardez le grand enchanteur qui, il y a un moment à peine, prêtait son sourire à toute chose ! Que reste-t-il de lui ? Est-ce un homme, est-ce un enfant ? Qui n’aurait pitié de lui ? Mais qui pourrait seulement le reconnaître ?

Incapable en ce moment d’aucune réflexion, Merlin sentait pourtant qu’une partie de sa puissance était irréparablement détruite. Mais il ne cherchait pas à s’ex-