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LIVRE VII.

l’eussent voulu, ils auraient pu rester dans le paradis ; peut-être à ce moment, ils y seraient encore.

Mais non ! eux-mêmes, eux seuls se sont bannis, eux seuls se sont fermé le retour. Ils l’ont voulu ; nul autre n’est responsable de ce qui a suivi. Étaient-ils las d’un bonheur sans mélange ? Jamais ils ne s’étaient aimés davantage. Fut-ce l’effet d’une longue réflexion ? Celui qui leur aurait dit la veille : « Vous vous chercherez demain et vous ne vous retrouverez pas, » celui-là les eût transpercés de sa parole. Fut-ce un caprice, une fantaisie, une épreuve, un moment d’humeur, un éclair d’orgueil qu’ils n’ont pu vaincre, une dispute aux échecs ? Voyez, cherchez, examinez vous-même, ou plutôt ayez la patience d’attendre. Je puis vous affirmer d’avance que la cause se trouvera proportionnée à l’effet.

Ce jour-là Viviane s’était vêtue de ses plus beaux habits comme pour une solennité. Quand Merlin entra, il la trouva debout, marchant à grands pas, les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux immobiles étaient armés d’une résolution étrange. Mais le bon Merlin n’y fit d’abord aucune attention.

Cependant elle s’arrête brusquement au milieu de la chambre de verdure ; et, sans le regarder, d’une voix qui jaillit comme un torrent après lequel tout est desséché sans retour, elle lance ces paroles précipitées :

« Merlin ! il faut nous séparer ! »

Merlin commence à sourire, et ses lèvres restent quelque temps pétrifiées. Il conserve l’impression de