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MERLIN L’ENCHANTEUR.

leurs voisins. Ils ne pouvaient souffrir autour d’eux rien qui rappelât les soucis et les misères des hommes. Leur basse-cour était gardée par un bel oiseau qui servait de berger. Quant au buffle, ils l’introduisirent les premiers parmi nous. Sa face noire effrayait d’abord Viviane qui refusait d’en approcher. Merlin lui fit honte de sa frayeur. Depuis ce jour, elle se fit suivre de ces monstres comme d’un troupeau de brebis. Rien n’était plus charmant que de la voir jouer avec l’un d’eux lorsqu’elle le conduisait en le tenant par sa corne couleur d’ébène.

Ils aimaient aussi à semer des plantes étrangères dont les graines leur étaient apportées par des oiseaux bleus qu’ils avaient dressés à cet usage. Dès que l’oiseau revenait de son voyage, il se posait sur l’épaule de Viviane, en secouant les ailes. Viviane baisait le beau messager qui repartait tout joyeux. Souvent elle lui donnait au départ une miette de pain sur ses lèvres ; après quoi ramassant la graine précieuse, elle allait la semer dans le jardin. C’est ainsi que le jasmin, le lilas, l’acacia, sans parler d’une foule de plantes grimpantes toutes propres à former des berceaux amoureux, se trouvèrent à la fin réunis de tous les coins de la terre dans le jardin de Merlin ; il n’en refusa jamais la graine à qui la lui demanda.

Que faisaient-ils encore ? on a dit qu’ils jouaient aux échecs. Ils y renoncèrent bientôt. Viviane se dépitait quand elle perdait. Le sage Merlin n’était pas toujours assez sage pour la laisser gagner toujours. Puis ils trou-