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LIVRE VII.

signols, les tarins, sortant des paquis, des oseraies, des touffes de rosiers et de glaïeuls, accouraient et venaient lutter avec eux, jusqu’à couvrir leurs chansons.

À la tombée du jour, on les a vus souvent chevaucher sur de noirs chevaux dans les clairières étroites, à travers les blés en fleur. Pourtant, ils préféraient aller à pied, parce que leurs mains pouvaient plus aisément s’entrelacer comme le lierre.

Quelles étaient leurs conversations ? Elles étaient très-mêlées. D’abord eux-mêmes, puis eux encore ; après cela, les étoiles, les mondes inconnus, Sirius, Saturne, le bluet dans le sillon, la musique des sphères ; sans doute aussi la politique sacrée, la justice idéale, la félicité de tous les êtres futurs ; la joie des nations qui les prendraient pour guides ou seulement pour conseillers ; la liberté donnée sans avarice à qui la souhaiterait ; aux autres, le sommeil et quelques songes avec un peu de gloire ; puis une tresse de cheveux, un ruban, un fil de la Vierge, le livre de magie oublié, tout ouvert à la pluie, sous un tilleul ; puis de nouveau leur petit monde, le chant du grillon, leur enclos ; tout cela, entrecoupé de baisers et d’éclats enjoués, comme si un esprit follet eût ri auprès d’eux dans les touffes d’herbes des prés.

Chaque printemps, ils envoyaient au loin des messagers, chercher jusqu’en Lybie des animaux étrangers, qu’ils s’amusaient à apprivoiser seulement d’un regard. Quand ces bêtes sauvages étaient devenues plus douces que des agneaux, ils en donnaient les petits à