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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Peu de gens les visitaient. Chacun craignait d’être importun. Quelques vieillards porteurs de harpes étaient toujours les bienvenus, dans la demeure de Merlin et de Viviane. Quant à eux, ils ne recherchaient que les êtres merveilleux que nous avons rencontrés avec eux dans la forêt des Dombes. Pour ceux-là, ils les visitaient régulièrement deux fois la semaine. La comparaison qu’ils faisaient de ces existences purement idéales avec leur propre existence si bien remplie, entrait pour beaucoup dans le plaisir qu’ils trouvaient à les fréquenter. « Que je suis heureux d’avoir reçu le don entier de la vie ! » s’écriait Merlin toutes les fois qu’il revenait de l’une de ces visites.

À quoi se passaient leurs journées ? Rien de plus régulier. Le matin, ils lisaient ensemble dans le livre magique. C’était là leur principale occupation. Merlin, la tête appuyée sur l’épaule de Viviane et la tenant embrassée, lisait à demi-voix les paroles sacrées. À mesure qu’elles tombaient de sa bouche, elles répandaient au loin des sorts heureux sur les mondes épanouis, pour le reste de la journée. Y avait-il quelque part dans le ciel ou sur front assombri un nuage ? Il disparaissait aussitôt ; une douce lumière rosée pénétrait le cœur des hommes. Tous au loin se sentaient rajeunis, sans savoir même à qui ils devaient ce souffle de félicité inattendue.

Après cela, ils chantaient, non pas de grands hymnes savants, ni des cantiques laborieux, mais de petits airs qu’ils avaient assortis à leurs deux voix ; et les ros-