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MERLIN L’ENCHANTEUR.

quiétude de l’esprit et de l’âme ne tourmentait le sage Merlin, quand il avait ses lèvres collées sur celles de Viviane. Il pensait alors tout savoir. Que lui importait que l’orage fît frissonner sur sa tête les rameaux épineux de l’arbre de la science ?

Quelquefois mon héros poussait l’amour jusqu’à la superstition. Des fragments de rochers que dix hommes de nos jours ne pourraient soulever étaient un jeu pour lui. Il les dressait l’un sur l’autre et en formait un autel, monument éternel de félicité. Ah ! s’il avait su combien cette félicité était périssable, il aurait fait ses édifices d’argile, non de granit. Quand la pierre était dressée, il prenait Viviane dans ses bras et l’aidait à y monter. Viviane s’élançait comme la chèvre sauvage sur le rocher, elle souriait à l’enchanteur.

Pour lui, toujours sérieux, il la contemplait en silence et l’adorait.

Quand vous rencontrerez quelque part un de ces dolmens mystérieux au milieu des landes, dites hardiment : le puissant Merlin a remué ces pierres. L’amour voit tout, sait tout, explique tout.

N’y eut-il jamais de querelles entre eux ? Toutes les heures furent-elles semblables ? Ne prononcèrent-ils jamais une parole qu’ils auraient voulu retenir ? Si cela fut, je dis que cela fut très-rare, une, deux ou trois fois tout au plus dans l’année ; et encore le caprice (car ces rares mésintelligences ne méritent pas un autre nom) ne dura qu’un moment. Je devrais plutôt dire une seconde, si ces moments n’étaient pas autant d’éternités.