Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/223

Cette page a été validée par deux contributeurs.
211
LIVRE VI.

vie s’est fait sentir jusque dans la moelle des chênes, quand les pas de Viviane et de Merlin ont foulé les marguerites des prés.

« Papillons endormis du sommeil des morts, dans vos blancs linceuls de soie, écoutez la trompe des cigales qui annoncent aux quatre vents la résurrection. Quittez vos suaires ! Sortez de vos sépulcres que vous avez vous-mêmes ourdis ! Ressuscitez, troupe diaprée, âmes légères ! Fleurs ailées, ne méprisez pas les fleurs parce qu’elles restent enchaînées à la terre où vous refusez de vous poser.

« Accourez, vous tous qui avez une voix que l’écho aime à répéter ! Réveillez-vous, cigales, au chant éternel ! abeilles qui mêlez le murmure au travail ; rossignols, habitants des clairières touffues ; demoiselles au corsage d’azur qui voltigez sur les sources des fleuves ! Dites, sans vous lasser : Il n’est rien de si beau sur la terre que Viviane, il n’y a rien de si sage que Merlin. Puisse ce moment durer toujours ! »

Plongé dans une rêverie muette, le bon Merlin écoutait le chœur, sous les tilleuls qui étaient alors en fleur. Il tenait tout pensif la main de Viviane dans la sienne pendant que de la voûte des grottes la goutte d’eau tombait dans la source profonde.