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MERLIN L’ENCHANTEUR.

ches, que nul n’avait allumé, que nul ne songeait à éteindre.

Assurément, le lieu aurait pu être mieux choisi ; mais quoi ! Merlin avait mis là son cœur dès le premier jour. Il ne s’en est jamais dédit.

Quand il allait errer dans son jardin, les abeilles, soit qu’elles visitassent les bluets dans les chaumes voisins, ou la fleur du fraisier, ou les œillets de Perse, soit qu’elles préférassent se poser sur les pousses nouvelles de l’aubépine, formaient un chœur à mesure qu’il passait ; et elles criaient de leur voix altérée :

« Honneur, gloire à Merlin ! »

De leur voix matinale les abeilles réveillaient les autres créatures ; toutes ensemble disaient :

« Que rien ne trouble jamais les fiançailles de Merlin et de Viviane ! Leur bonheur se répand sur nous. L’avenir du monde est attaché à leur amour. Puisse aucun nuage ne s’élever entre eux ! Car ce nuage jetterait son ombre sur la terre et la tempête enfanterait des reptiles.

« La sérénité des cieux enveloppe chaque chose. L’haleine de Viviane se répand sur les roses sauvages cachées au fond des bruyères, et la sagesse de Merlin remplit les villes bourdonnantes.

« Nous pensions ne plus revoir le printemps, car le froid de la mort nous tenait renfermés dans les creux d’arbres ou en des demeures souterraines. La neige nous recouvrait d’un suaire et l’univers semblait mort.

« Mais quand Viviane a respiré, un souffle sacré a pénétré dans nos retraites profondes. Un frémissement de