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MERLIN L’ENCHANTEUR.

La nuit est venue. La jeune fille est restée sainte. La voilà endormie. Mais quel sommeil et quel songe, grand Dieu ! Au fond des bois, quels soupirs de flammes ! quelles larmes dans les nues ! quel enfer dans le ciel !

La nuit est passée ! Le jour est beau et radieux. La sainte s’éveille, son hôte est parti. Elle tombe à genoux, se voile la face, se noie dans les larmes. Ô saints et saintes ! protégez-la d’un regard. Pleure brûlants sur les dalles, prières, vœux, macérations, abstinences, cilices, que faut-il donc encore pour effacer un songe ?

Son hôte est parti. Un jet de flamme rouge s’attache aux quatre pieds du cheval écumant. L’herbe des vallées se dessèche au loin, la forêt brille du reflet d’un incendie.

IV

Quelques années sont passées, cinq ou six, tout au plus. Le héros de cette histoire est né. Il est né ; et il n’y eut pour lui ni pleurs, ni cris, ni sanglots, ni allaitement, ni sevrage. Sa mère n’osait pas même lui présenter le sein en secret. Elle l’appela Merlin.

Le lendemain du jour où il vint au monde, elle le tenait tristement dans ses bras et pleurait.

« Ne pleurez pas, ma mère ! » lui dit le nouveau-né d’une voix d’homme, en ouvrant la paupière.

Effrayée et ravie du prodige, sa mère le laisse tomber