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LIVRE VI.

VI

Merlin n’avait pas fait cent pas hors de l’Enfer, qu’il rencontra un pauvre couvert de haillons. C’était le premier qu’il eût vu dans le monde. Il le contempla d’abord comme une merveille, puis il se sentit troublé et lui donna sa bourse. Cinquante pas plus loin, un pauvre plus misérable, que le premier était étendu au bord du chemin : Merlin lui donna son manteau. Le pauvre montra qu’il avait les pieds nus : Merlin se déchaussa et donna ses souliers, à quoi il ajouta son chapeau et son pourpoint d’azur. Il fit encore cinquante pas et rencontra un troisième pauvre. C’était un beau jeune homme qui ne trouvait rien à faire de ses bras et que la colère rongeait. Merlin s’excusa de n’avoir plus rien à lui donner.

Aussitôt le jeune homme indigné relève la tête et s’écrie :

« Voilà bien les riches ! Durs, impitoyables, avares ! ils n’ont jamais rien quand il s’agit de donner. Que la malédiction retombe sur eux ! »

Et il continuait ses invectives.

« Je vois, mon ami, interrompit Merlin, que la misère ne vous a pas ôté la fierté. »

Puis s’approchant d’une châtelaine qui passait à cheval, tenant sur son poing un faucon :

« Je vous apporte un grand bonheur, lui dit-il.