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LIVRE VI.

fougue dans le tempérament, quelques torts légers, quelques inégalités, quelques propos échappés dans un moment de déplaisir, des nerfs irritables, quand souffle le vent du nord, trop d’ardeur peut-être dans ma manière d’aimer, une sensibilité trop exquise, mais jamais un fait grave, cela ne peut-il se pardonner ? Voyons ! cher fils de mes entrailles, place-toi ici, là, plus près, entre nous deux. Fais ma paix avec ta mère. Ramène-la au foyer paternel. La famille ! la famille ! mon cher, voilà le bien suprême ! »

Séraphine, pendant ce discours, tenait son fils embrassé et tremblait de tous ses membres.

« Voilà sa réponse ! dit Merlin ; n’espérez pas la vaincre par la force.

— La force ! interrompit son père. Eh ! mon fils, qui pense à s’en servir ? Ai-je jamais employé envers elle d’autres armes que celles du pur amour ? Persuasion, soupirs, œillades, musique des cobolds, conversations au clair de lune, rêveries, récits de mes longues insomnies, de mes souffrances, de mes guerres lointaines dont j’ai rapporté plus d’une cicatrice : voilà quelles ont été mes armes. Elle me repousse ! elle me laisse me consumer dans ma brûlante solitude ! eh bien ! puisqu’elle le veut, je m’y engloutirai tout seul. Je souffrirai, hélas ! Je sais souffrir ! Elle le veut. J’y consens. Il ne me restera que le foyer désert. Qu’elle aille passer sur la terre des jours heureux ! qu’elle prête l’oreille aux aubades, aux sérénades des jeunes hommes, pendant que moi ici… »