Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.
200
MERLIN L’ENCHANTEUR.

noir soupirail, et il cherchait à donner à son enlèvement l’apparence classique d’une libre descente aux enfers.

« Venez, chère Séraphine, lui disait-il. Vous n’avez pas vieilli d’une heure. Venez dans mon château fort.

— Laissez-moi ! s’écriait la mère de Merlin. Hors d’ici ! tu ne m’abuseras plus par tes fausses promesses. Je sais qui tu es. Je te connais. Je te hais. Tu m’as perdue déjà ; c’est trop d’une fois. Tes paroles sont des serpents. Ô nuit, couvrez-moi ! défendez-moi !

— Pourquoi me fuir, Séraphine ? répondait le père de Merlin. Je ne vous demande rien, absolument rien, ma chère. Donnez-moi seulement la main, rien que la main… Eh bien, non ! je me contenterai de baiser le pan de votre robe, le bord de votre guimpe.

— Fuis, chien d’enfer !

— En vain tu me chasses. Le chien couchant restera à tes pieds. Il se laissera insulter, battre, fouetter ; il léchera la main qui le frappe. Puis, ô mes amours, sachez donc un peu de gré au lion qui vous épargne, pouvant vous dévorer.

— Ô mort ! délivrez-moi !

— Que craignez-vous donc, Séraphine ? une descente aux enfers ? mais rien n’est plus fréquent parmi les vivants. Rappelez-vous seulement le prudent Ulysse, le pieux Énée, Orphée, Télémaque, Hercule le Fort, Psyché ; nul ne se repentit jamais de cette marque de confiance.

— Vil serpent ! à terre ! rampe !

— Quoi, Séraphine ! des injures ? Pourquoi cela ?