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LIVRE VI.

À ce moment, un cri terrible : « Merlin ! Merlin ! » perce le ciel, l’enfer, les limbes. Cette voix arrive au prophète. Il se précipite ; car il craint de trouver la porte fermée. N’est-ce pas déjà trop tard pour revoir celle qui l’appelle sous le ciel de Viviane ?

Quand je l’entendis au loin franchir à grands pas le seuil des limbes, pour n’y jamais rentrer, et fermer derrière lui les portes sacrées, je me mêlai en gémissant à la foule des larves indifférentes. La promesse de la vie ne me sembla plus qu’un leurre. Je me raillais moi-même d’y avoir cru si aisément. Je regardai celle qui m’accompagnait et je lui dis :

« Où est ton espoir ? Le monde a passé. Toi, tu me restes. »

Et le spectacle de tout ce qui n’était pas elle s’abima sans retour.

V

D’où était sorti, lecteur, le cri formidable dont avait tressailli le cœur de notre héros ? C’est ce que je ne puis omettre de te dire. Par une rencontre étrange, vraiment providentielle, au moment où Merlin s’arrêtait dans l’oisiveté des limbes, le roi de l’abîme avait profité de l’absence de notre enchanteur pour enlever sa mère, Séraphine, aux lieux où elle faisait pénitence. Il entraînait de vive force la mère de Merlin. Déjà il approchait du