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LIVRE VI.

te suivront pas plus loin que la moitié de la route. Vois comme le doux breuvage de l’enfance les réjouit ici par avance ! mais leur joie sera courte, et cette séparation sera pour toi la première. Vois comme ils trouvent leur vain amusement dans les limbes ! ils ignorent leur fin prématurée.

« Voici maintenant ceux qui traverseront avec toi la jeunesse radieuse. Que leur étreinte te sera douce ! Que ton cœur volera promptement au-devant d’eux ! Que de projets, que d’espérances communes entre vous ! Que de doux secrets vous lieront par des chaînes magiques ! Peu de ceux-là conserveront la flamme jusqu’à la dernière heure. Le temps, l’absence, le chemin que chacun a devant soi, disperseront çà et là leurs pensées. Mais ils ne te trahiront pas, excepté un, peut-être, et encore, pour celui-là, ce sera faiblesse et non pas perfidie. »

En même temps il m’enseigna leurs noms : j’allais m’élancer vers eux ; déjà je sentais la douce flamme de l’amitié, qui, dans la première heure, ressemble tant à l’amour, lorsqu’il m’arrêta par ces mots :

« Regarde de ce côté et prépare ton cœur ! Voici celle que tu aimeras à la première heure de la jeunesse, et le coup sera si fort que tu seras près de tomber.

— Qui est-elle ? lui dis-je.

— Tu le sauras assez tôt quand tu recevras la vie. Viens, passons. »

Et il continua de me parler ainsi :

« Voici celle qui t’apprendra la première ce que c’est