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MERLIN L’ENCHANTEUR.

avais marché derrière lui, je fus cette fois plus prompt que tous les autres. La douceur de ces accords m’enivra si bien, que jamais je ne ressentis plus de désir de sortir des limbes, ni plus d’audace pour tenter les chemins qui n’ont pas été frayés encore. Me souvenant de la réponse qu’il m’avait faite, je lui en demandai une nouvelle.

« Si ces accords, lui dis-je, touchent ton cœur, comme tu vois qu’ils ébranlent les limbes, aie pitié de moi et donne-moi la réponse que je cherche depuis que je suis tes pas. Dis-moi avant de sortir de ces lieux (car, si je ne m’abuse, tu es près de les quitter), dis-moi quels seront, parmi ceux-ci, les compagnons qui feront avec moi le pèlerinage de la vie. Apprends-moi d’avance à les connaître. Conduis mon cœur vers eux ; montre-moi d’avance leur visage. »

Ici le maître me répondit ces paroles ; elles s’imprimèrent si bien dans ma pensée que je les entends encore :

« Ta demande est moins ambitieuse : voilà pourquoi je veux bien te répondre. Viens, suis-moi. Je te ferai connaître ceux que tu auras pour compagnons sous le soleil des vivants. »

À ces mots il me conduisit de groupes en groupes, à travers la foule, et il me dit, en me montrant des âmes ingénues et souriantes dont la plus âgée n’avait pas atteint l’adolescence :

« Voici les premiers que tu rencontreras dans ta vie terrestre, au bord torrentueux de l’Ain, et la plupart ne