Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
MERLIN L’ENCHANTEUR.

ses ; elles se couvrirent pour la première fois d’un voile ; leur tristesse était inconsolable, il semblait que la vie et la mort leur manquaient à la fois. Adam le Polonais resta le dernier tout pensif ; il se retourna pour dire à ceux qui le suivaient :

« Ses paroles sont dures, mais elles sont méritées. Hommes d’église, c’est vous, pharisiens, qui avez perdu la croix. »

III

Le tintement de la cloche se perdait déjà en mourant dans l’air, quand, à sa place, un doux gazouillement se fit entendre comme le matin gazouillent dans le nid, sur un cyprès, les petits du rossignol qu’éveille le premier crépuscule. Ceux qui interrompaient ainsi le silence du monde naissant, c’était le peuple ailé des âmes qui se nourrissent de beaux sons, et cherchent dans l’univers la musique des choses. Ils devaient un jour s’appeler Gui d’Arezzo, Palestrina, Pergolèse, Mozart, Beethoven. À ce moment, ils prêtaient l’oreille aux bruits sourds, inarticulés, qui traversaient les limbes, tristes et rêveurs, comme ceux qui cherchent une chose et ne peuvent la trouver. Car tous portaient dans leurs mains une viole ; mais chacune de ces violes n’avait qu’une corde d’airain, et ils ne savaient où découvrir celles qui manquaient et dont ils avaient le pressentiment.