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MERLIN L’ENCHANTEUR.

mes yeux et aimé d’un cœur fidèle pendant ton pèlerinage sur la terre, trop court, hélas ! non pour la gloire, mais pour la consolation de ton peuple captif !

Tous ensemble, errants dans la campagne, venaient de rencontrer les enfants morts sans baptême qui rentraient éperdus dans la profondeur des limbes. La foule avait entouré les nouveaux nés qui n’avaient fait qu’entrevoir la lumière. Chacun les interrogeait du geste, du regard, pour apprendre d’eux ce qu’ils avaient vu et entendu par delà le berceau.

« As-tu visité la Jérusalem sacrée ? leur disaient-ils, as-tu vu le Seigneur ? »

Mais comme une troupe d’oiseaux sortis trop tôt du nid se hâtent d’y rentrer, s’ils sont surpris par l’oiseleur, de même ceux-ci, vagissant et pleurant, retournaient à l’endroit le plus secret, d’où ils avaient été tirés. S’ils balbutiaient une parole, c’était celle-ci :

« Mère, où es-tu ? Père, pourquoi m’as-tu rejeté hors du berceau dans les limbes ? »

Au loin, une cloche invisible tinta un glas, et ce glas ressemblait à celui que j’ai autrefois entendu à Rome dans les jardins du mont Palatin à l’heure du soir où les confréries sortaient pour ensevelir les morts.

Alors les esprits de la foule mystique se perdirent en mille pensées confuses ; ils ne pouvaient comprendre pourquoi les nouveaux nés étaient revenus en arrière, parmi eux ; car nul d’entre eux ne savait ce que c’est que mourir.

À ce moment, ils rencontrèrent au détour du sentier